Association pour la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie volontaire

J-F Schneider : Squelette pour une proposition de loi

Version 2022 04 05

Contact : JF Schneider / jfschneider38@orange.fr / 06 12 10 85 05

Squelette” (évolutif) pour contribution à l’élaboration de la proposition de loi Ultime liberté sur le droit à disposer de sa vie

Ce que j’avance ici ne suit pas l’ordre habituel d’un texte de loi. Il s’agît juste d’une liste de points qu’il convient de prendre en compte pour avancer une proposition qui tienne la route. La rédaction est un exercice technique qui ne fait que découler de cette première démarche.

1. Enoncé du principe : Le droit « d’éteindre la lumière » fondé sur la liberté (constitutionnelle) de le faire.

L’argument avancé par ceux qui se refusent à légiférer, c’est d’abord que chacun est libre de se suicider (depuis la Révolution , la grande 1789 et s.) et, comme le répète de façon indécente le bon docteur Léonetti : « Chacun a chez soi tout ce qu’il faut pour ça ! » On reste pantois devant « l’inconscience de classe » d’un tel propos. Affirmation qui est d’ailleurs fausse : les médecins sont de plus en plus surveillés et un ami psychiatre retraité m’a confirmé que même un psychiatre n’aurait plus accès à un produit nécessaire à une mort douce (Sauf prescription bidon, de longue durée, prévue longtemps à l’avance avec stockage des comprimés etc. , et qui supposerait des rapports très amicaux entre le psy et le « patient » … parce que les risques pénaux sont très importants pour le praticien).

L’affirmation du principe, ce serait donc déjà de faire dire à la loi qu’une liberté non traduite en droit et dont on n’organise pas les modalités concrètes… n’est pas vraiment une liberté. Cette absence d’organisation concrète, c’est aussi la source d’atteinte à l’ordre public, puisque si on se jette sous le train par exemple, on est « libre » de le faire… mais on est générateur d’un « incident de personne » comme le dit très poétiquement la SNCF, avec arrêt du train, enquête, traumatisme pour le conducteur, voire les passagers, etc.

Nous estimons que les fondements de notre proposition de loi sont constitutionnels.

Le préambule de la constitution de 1958 renvoie à la déclaration des droits de 1789 et au préambule de la constitution de 1946 (le droit, c’est une affaire de poupées russes, imbriquées les unes dans les autres !!)

« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946…

1789 Art.4 :

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »

Notre démarche ne sort pas de ce cadre là !

1789 Art.5 :

« La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »

Mettre fin à mes jours si je considère que ma dignité est en jeu ne nuit à personne, sauf à considérer que je prive la société d’une personnalité tout à fait indispensable (dont les cimetières sont pleins comme chacun sait !) Plus sérieusement, on pourrait invoquer que mon suicide nuit, éventuellement, à mes proches, ou à mes créanciers éventuels, si j’ai des dettes. C’est d’ailleurs l’argument qu’on nous oppose souvent : « le suicide, c’est une fuite devant ses responsabilités » C’est la plupart du temps un jugement « moral » mais on peut aussi le concevoir comme un constat quasi « commercial », en rapport avec le droit des contrats : on y reviendra …

2. Affirmation de ce droit pour tout citoyen doté de la capacité légale

Il n’existe pas une majorité mais des majorités… pour l’exercice de droits ou de devoirs de différentes natures : majorité sexuelle, majorité pénale, majorité civique, majorité civile… chacune donne accès à l’application de dispositions juridiques positives (droit de vote, par ex.) ou négatives (déchéance de l’autorité parentale, peines aggravées pour délits dont les mineurs sont victimes, etc.)
Il s’agirait, pour ce qui nous concerne, de définir une nouvelle majorité… ou alors, plus simplement, de considérer légalement que la majorité civile entraîne de droit la capacité à disposer de sa vie.

3. Définition du périmètre de la loi : cas général et cas particuliers

Le cas général s’énonce ainsi : toute personne ayant atteint la majorité (c’est à dire « capable » au sens juridique) peut décider de façon discrétionnaire de mettre fin à ses jours.

Cette majorité vaudrait « accès au droit de … », sous réserve d’exceptions définies par la loi.

On pourrait définir une capacité « complète » et une capacité « restreinte » ou « conditionnelle ».

Il faudrait prévoir des dispositions particulières de nature à éviter des dérives possibles.

Mettre en place une procédure permettant de vérifier la capacité à prendre une décision « libre » de toute influence externe (entourage) ou interne (problèmes psychologiques aigus ou chroniques)

D’une manière générale, des dispositions de nature à s’assurer du “libre choix” de la personne

Parmi celles-ci, bien sûr, les directives anticipées…

Intégrées de préférence à « l’espace santé personnel » (qui va remplacer feu le « dossier médical partagé » … qui n’a jamais marché !)

Ces directives pourraient autoriser l’euthanasie, vue comme un “suicide conditionnel programmé par anticipation”

Pour plus de sûreté et éviter des contestations abusives, il faudrait que soit pris en compte les convictions durables de la personne concernée, par exemple, son adhésion certifiée à une association “philosophique” militant pour cette attitude devant la mort.

Précaution ; toute « incapacité » ou toute « capacité » doit pouvoir être contestée devant la justice selon les procédures normales
(peut-être devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, qui traite des contentieux relatifs aux politique de santé et de solidarité… )

Si la « capacité » est établie, la plupart des cas particuliers n’en sont plus : on applique la règle générale.

La “fin de vie” douloureuse.

Le handicap intolérable à la personne.

Les maladies évolutives annonçant une agonie qu’on refuse.

D’une manière générale, toute situation jugée « indigne » par la personne concernée (jugement qui ne peut être que subjectif).

Ou , le sentiment de « vie accomplie ».

Bien entendu, cela va sans dire, on parle toujours de liberté, pas d’incitation ! Ni, évidemment, d’obligation !

(Ex. du parapentiste ayant servi de modèle à « Intouchable »…)

Il reste des cas particuliers complexes que la loi devra envisager :

Le cas des mineurs (hélas, les agonies d’enfant, ça existe ; et on ne peut pas laisser les parents seuls face à une telle décision)

Le cas des personnes présentant des troubles psychiques. Là, il s’agît d’éviter à la fois :

* que la décision soit rendue impossible sous prétexte que les qualités intellectuelles ou émotionnelles de la personne sont altérées
(mais la douleur reste ! Et, la douleur psychique est considérée par les professionnels comme l’une des pires…)

* que la décision « définitive » de la personne n’ait été causée QUE par un état psychique « momentané »

(Il arrive souvent que des « suicidaires » se retrouvent bien aise de s’être « loupés » !)

Le cas des personnes ne pouvant plus réitérer et confirmer leur demande (Alzheimer, incapacité à s’exprimer, etc.)

4. Réaménagement des dispositions législatives relatives au suicide et à sa prévention

Redéfinir et préciser le délit de « provocation au suicide » , largement sur-interprêté par la justice,

… et qui rentre en conflit avec :

1789 Art.11 :

« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Sont concernés les articles du code pénal :

Art 223-13 (Code pénal)

« Le fait de provoquer au suicide d’autrui est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d’une tentative de suicide.

Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque la victime de l’infraction définie à l’alinéa précédent est un mineur de quinze ans…»

Art 223-14 (Code pénal)

« La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.»

Redéfinir le délit de non assistance à personne en danger en rapport avec l’assistance au suicide

Art. 223-6 (Code pénal)

« … est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »

Pour cette partie de la rédaction du texte, on procède généralement en écrivant que tel ou tel texte (répressif) ne s’appliquera pas aux actes « réalisés en application de la présente loi » …

5. Définir les conditions de réalisation de l’acte.

La procédure d’attribution du produit en “accès légal”.

Qui ? Comment ? Selon quel calendrier ? Mise en œuvre des précautions ? Voies de recours ?

Commission ? Parrainage ? Garants ?

Inscription sur l’ « espace santé » et/ou Carte Vitale ? Registre national comme en matière de don d’organe ou de moelle ?

6. Réaménager nécessairement les textes collatéraux :

Codes de déontologie et obligations des professions de santé :

Actuellement, le suicide (« rationnel » ou pas) est considéré comme un trouble mental (comme l’était par exemple l’homosexualité jusqu’en 1982!) Il faut donc revoir les textes réglementant les obligations des professionnels de santé en la matière (et notamment de santé mentale), pour intégrer la nouvelle notion et en codifier les conséquences.

Le suicide étant un acte volontaire et non un « aléa de la vie », la reconnaissance de sa légitimité pose le problème de la manière dont elle va affecter le droit des contrats et le droit civil en général. Notamment : assurance-vie, succession, etc. Dans les propositions de loi déjà présentées (mais qui se limitent à la « fin de vie »…), on résout en général la question en établissant que le suicide réalisé « dans les conditions de la présente loi » sera assimilé à une mort “naturelle” …

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