Association pour la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie volontaire

“Feu à volonté” – texte d’adhérent

( Texte proposé par Philippe MARI , le 27 septembre 2022 )

Après s’être auto-saisi en juin 2021 de la question de l’aide active à mourir, le Conseil Consultatif National d’Ethique (CCNE) a émis le 13 septembre dernier un avis qui n’a que peu de choses à voir avec l’éthique et qui, s’il devait être retenu en l’état par le Législateur, ne ferait qu’aboutir à l’adoption d’une loi de restriction de liberté, pour ne pas dire une loi d’exception, au mépris du débat qui doit se tenir dans le cadre de la future Convention citoyenne sur la fin de vie.

Regardons de plus près le libellé de cet avis :

La possibilité d’un accès légal à une assistance au suicide devrait être ouverte aux personnes majeures atteintes de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances physiques ou psychiques réfractaires, dont le pronostic vital est engagé à moyen terme.

La parenté directe de cette proposition avec l’énoncé de la loi Clays-Léonetti n’aura pas échappé au lecteur sans même qu’il prenne le soin de remplacer «assistance au suicide» par «sédation profonde» et «moyen terme» par «court terme».

Et pour ceux qui se demanderaient encore quelle était la motivation du Conseil à vouloir émettre un avis teinté d’aussi peu de conviction de faire avancer la cause de la liberté de choix, le communiqué du CCNE précise qu’il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes, avec lesquelles il apparait inacceptable de transiger. Celles-ci, ajoute-t-il, devront allier de manière indissociable un renforcement des mesures de santé publique en faveur des soins palliatifs et la prise en compte de repères éthiques majeurs dans les mesures législatives qui seraient prises.

Voilà donc 15 mois de supposés réflexions et débats que l’on imaginait exigeants, intenses et controversés, accouchant non seulement d’un copier-coller d’autant plus honteux qu’il est revendiqué, mais aussi de la recommandation surréaliste du Conseil au Législateur de respecter les repères éthiques majeurs dont il ne dit rien … et qui étaient précisément l’objet de la question dont il s’était saisi.

En l’état, la nature de cet avis qui s’abstient d’exposer ses attendus et d’argumenter sur les repères éthiques invoqués pour faire «sauter le tabou du «tu ne tueras point», ressort malheureusement de l’observance d’un principe de précaution surdimensionné, plus propice à accoucher d’un décret que d’une loi.

Faut-il rappeler aux 47 membres du Conseil que l’Éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse aux comportements humains et à la conduite des individus en société ?…

Pour documenter un futur débat citoyen sur la question il faut a minima se déterminer sur les valeurs qui ont historiquement conduit à faire naître deux courants majeurs de l’Éthique, à savoir d’une part les «éthiques déontologiques» où le juste prime sur le bien de sorte que la liberté des individus peut s’imposer sur le bien commun, et d’autre part les «éthiques téléologiques» fondées sur l’idée de bien commun en tant que but vers lequel les individus doivent s’orienter et qui prime sur le bien individuel.

Ce sont là justement les repères éthiques majeurs dont le Conseil demande la prise en compte pour définir les conditions strictes d’application d’une aide active à mourir avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger.

Le glissement de sens provoqué par cette inversion de l’ordre des raisons aboutit à ce que l’institution CCNE ne reconnaisse de légitimité de demande d’une loi de liberté de choix vis-à-vis de sa propre mort que si l’acte d’aide à mourir est un monopole médical dont la pertinence éthique – et donc l’exécution – est laissée à l’appréciation finale du praticien.

On peut dès lors s’inquiéter de savoir, à l’inverse, comment une telle loi d’autorisation au cas par cas protégera les personnes en fin de vie des prévisibles dérives des courants transhumanistes florissants dont l’éthique utilitariste reconnaît au pouvoir de la technologie le bien fondé de nous rendre immortels, donc bienheureux, comme si tout ce qui est technologiquement possible était forcément souhaitable.

Une première part du problème réside en ce que le CCNE n’est pas un comité d’éthique aux sens où ses membres seraient d’abord choisis en fonction de leur expertise et de leurs convictions, mais désignés en fonction de leur qualité à répondre, chacun dans son domaine de compétence, à l’exigence d’interdisciplinarité requise dans la sphère des sciences de la vie et de la santé.

Pour donner un seul exemple de l’inefficience de tels critères de qualification, il suffit de regarder la composition d’un des collèges du Conseil, celui par exemple qui est supposé regrouper 5 personnalités qualifiées appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles.

On y trouve :

1- Une écrivaine et théologienne protestante ouvertement opposée au sein du Conseil à une évolution législative sur l’aide à mourir.
2– Une responsable d’édition essentiellement connue pour avoir dirigé l’adaptation en français de l’Encyclopedia Judaica (Ed. Cerf – R. Laffont)
3– Une journaliste, directrice du journal La Croix
4– Un inspecteur de l’Éducation Nationale spécialiste de l’Islam
5– Une directrice de recherche au Commissariat à l’Énergie Atomique, en pointe dans la lutte contre le climato-scepticisme …

À croire qu’il n’est plus dans notre pays aucun philosophe qui soit capable de reprendre le flambeau de la mission que Camus assignait à la philosophie :
Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux, c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie.

La seconde part du problème tient à la nature de l’avis que le pouvoir politique attendait du CCNE ou, pour être plus près de la réalité, la nature politique de l’avis que le CCNE imaginait devoir fournir au pouvoir pour préserver sa capacité d’influence dans les débats à suivre.

Pour cela, le Conseil n’a rien trouvé de mieux que de se positionner en arbitre incontournable d’une guerre de positions entre deux communautés qu’il faut amener à faire des concessions préalables dans un soi-disant souci d’équité de traitement : le lobby médico-religieux conservateur d’une part, et 95% de citoyens s’étant exprimés en faveur d’une aide a u suicide d’autre part … comme si ces deux populations avaient une prétention et une légitimité égale à intervenir dans l’élaboration des lois de ce pays.

Dès lors, l’abandon du dogme «la vie est sacrée» des premiers pèse le même poids dans le donnant-donnant suggéré que l’acceptation des restrictions aussi drastiques qu’outrancières imposées au libre choix de sa fin de vie. Claire Fourcade, Présidente de la Société Française d’Accompagnement et de Soins Palliatifs (SFAP) reconnaît bien involontairement cet état de fait, elle qui déclarait récemment (Congrès 2022 de la SFAP ) que l’adoption en France d’une loi permettant l’aide médicalisée à mourir sur modèle la loi Belge, ne concernerait que quelques cas particuliers puisque seuls 3% par an des décès en Belgique sont des euthanasies, s’empressant d’en déduire que 97% des patients en fin de vie se tourneraient de façon privilégiée vers les soins palliatifs.

Conclusion que le CCNE valide en proposant de sanctuariser les soins palliatifs en réponse au si petit nombre de cas éligibles à l’aide active à mourir qu’il a lui-même recommandé de limiter outrageusement.

De telles considérations n’ont pas leur place dans un débat porteur de l’enjeu sociétal majeur de la liberté de chacun à disposer de lui-même à raison de son autonomie.
Le CCNE se discrédite en ouvrant faussement les portes d’une loi humaniste sur la fin de vie. Il se disqualifie à poser un cadre aussi infondé et aussi pernicieux aux réflexions et aux prises de position que sont en droit de s’autoriser les citoyens, premiers concernés par l’ouverture d’un tel champ de liberté.

Aussi, tout le travail effectué de longue date par les associations militant pour une législation conforme aux aspirations des individus doit-il être prépondérant pour constituer à la fois le socle théorique et l’organisation méthodologique qui doivent présider aux travaux de la future Convention citoyenne.

Il est hors de question de cautionner ce «donnant- donnant» de marchand de tapis du CCNE qui pose en préalable la sécularisation des soins palliatifs comme réponse principale à la demande légitime du droit de tout un chacun à tirer sa révérence, y compris – et peut-être surtout – lorsqu’on est encore épargné par l’enfermement dans un corps à bout de souffle.

Contre une telle vision obscurantiste de la valeur de la vie sublimée par la souffrance, il n’est qu’un seul mot d’ordre : Feu à volonté !

Philippe Mari

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