De façon à alimenter le débat interne ouvert par le C.A. dans l’ association, concernant une éventuelle proposition de loi spécifique à Ultime Liberté,
une séance en visioconférence “Zoom”, complémentaire du séminaire des accompagnants est prévue le 9 mars 2021, pour voir les réactions possibles de nos adhérents à une proposition comme celle des “Verts allemands” .
Certains participants n’ayant pas pu être présents, une nouvelle séance Zoom sur le même thème est programmée le 15 mars .
Il s’agit d’une des propositions de loi actuellement en discussion en Allemagne, suite au Jugement de la Cour fédérale du 26 février 2020 qui oblige le législateur allemand à revoir l’ensemble du dispositif légalisant le suicide assisté dans ce pays.
L’originalité de la proposition des “Verts allemands” ( Proposition Katja Keul et Renate Kunäst : « Projet de loi pour la protection du droit à une mort autodéterminée » ), est de proposer en plus de la voie de l’ Aide Médicale à Mourir en cas d’ “urgence médicale” ( §3 de la proposition de loi ), une “procédure générale d’accès” ( §4, §5 et §6 ) qui repose essentiellement sur une Déclaration personnelle et sur des entretiens de “conseil” dans un “centre de conseil agréé” dont le but est de s’assurer que la décision de mourir de la personne est “à la fois autonome et parfaitement informée“.
Une traduction française approximative des 6 premiers paragraphes de cette proposition de loi Katja Keul et Renate Künast est téléchargeable ici.
6 commentaires sur “Discussion de la proposition de loi des “Verts allemands””
Il me semble que pour se prémunir contre certaines objections qui pourraient être faites, soit par des législateurs, soit par l’opinion publique, il serait bon de prévoir les deux dispositions suivantes :
– La demande de suicide, hors maladie incurable, ne devrait être autorisée qu’à des personnes “âgées” : plus de 75 ans (cf. prioritaires pour le vaccin covid) ? ou 80/85 ans (cf. espérance moyenne de vie) ?
– Le candidat au suicide ne devrait avoir aucune dette pénale ou financière à l’égard de l’Etat ou d’autrui.
Si je comprends bien, dans le cas d’une fin de “vie accomplie” avec perte progressive des capacités, notamment physique, il faut lancer une procédure d’accès au produit, et une fois autorisée son acquisition, se suicider dans les 2 ans (autorisation d’acquisition valable un an, suicide dans l’année qui suit l’acquisition) , ou recommencer la procédure.
La procédure qui vérifie que la personne en déclin a bien décidé d’elle-même de mettre fin à ses jours lorsque elle considèrera que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue ne me choque pas. Mais une fois cette volonté reconnue et l’autorisation de suicide accordée, pourquoi donner un délai d’un an pour acheter le produit? cette autorisation devrait être définitive, quitte à réduire le délai entre l’acquisition et le suicide, car si la procédure autorise le suicide, il n’y a aucune raison d’acquérir le produit à l’avance pour le garder à la maison, avec tous les risques que ça comporte.
( Commentaire Armand Stroh )
Le cas de la raison de “vie accomplie” est un des cas possibles où une personne demanderait à bénéficier de cette loi.
Mais dans cette proposition de loi il n’y a aucune liste de “cas” qui seraient recevables et d’ autres pas.
La seule question qui est posée dans cette procédure, c’est de savoir si la décision prise par la personne est à la fois “autonome et parfaitement informée” .
D’où les deux conditions :
– Avoir rédigé personnellement une déclaration dans laquelle on apporte la preuve d’une telle réflexion ou délibération personnelle quant aux raisons qui à nos yeux justifient notre volonté de mourir.
( Voir les 4 points qui doivent être abordés dans cette déclaration )
– Et d’autre part accepter d’en discuter avec d’autres personnes dans le cadre des “Centres de conseil” prévus, lors de deux entretiens minimum distants dans le temps, et donc accepter de se soumettre à une sorte de test concernant le sérieux de cette déclaration personnelle : est-ce bien la personne elle-même qui l’a rédigée, a-t-elle la capacité mentale nécessaire pour comprendre ce qu’elle affirme, les conséquences de sa décision de mourir ?
S’est-elle réellement informé sur les alternatives au suicide qu’elle pourrait avoir, au niveau d’aides médicales, sociales, culturelles, psychologiques, etc. qui peuvent en partie motiver sa décision, simplement parce qu’elle ignore ces possibilités ou s’en fait une représentation fausse ?
Est-elle capable de se distancier suffisamment de pressions extérieures de toutes sortes qui peuvent l’ inciter à vouloir mourir sans que cela soit réellement sa propre volonté ? Sa décision est-elle “ferme et définitive” ou fluctuante en fonction des circonstances, de l’humeur, etc. De telles fluctuations ne permettent pas à la société d’être sûre d’ avoir affaire à une volonté “autodéterminée” .
La finalité de ces entretiens est de permettre à la personne concernée de se confronter à son propre “désir de mourir” pour en faire une véritable “volonté libre autodéterminée” prise en toute “conscience” de ses propres raisons, qui ne laissent pas de doute à ce sujet à des interlocuteurs bienveillants animés de la même conception de l’ “autonomie personnelle”.
Le rôle et la “philosophie de la liberté” des “conseillers” ou , dans notre langage, “accompagnants” , bénévoles ou professionnels, est donc très important, dans leur capacité à contribuer à la formation de la décision autonome d’une personne, sans se substituer à elle, dans cette décision elle-même. Bien évidemment, cela ne va pas de soi … et certains considèreront qu’une société de personnes suffisamment libres, égales et responsables pour y parvenir est une “utopie”.
Personne ne demandera à ces personnes convaincues que l’ “autonomie personnelle” n’est qu’une utopie, de participer à de telles délibérations de “conseil”.
Concerne le § 4 de la proposition des verts, alinéa 2, à savoir la « déclaration écrite qui doit discuter de manière concluante 1. Le souhait de mourir et ses raisons 2. Sa constance dans le temps 3. La liberté du déclarant vis à vis de toute pression extérieure 4. La question de savoir pourquoi les offres d’aide publiques ou privées ne permettent pas d’éliminer son souhait de mourir».
Le fait d’évoquer une « manière concluante » ouvre la porte à un jugement de recevabilité de la demande de mourir, me semble-t-il.
Or ce souhait peut revêtir de nombreuses formes.. parmi elles 1) celui de ne pas vouloir vivre sa fin de vie dans un Ehpad où une unité de soins palliatifs, quelle que soit sa qualité 2) celui de ne plus vouloir vivre lorsque les activités autonomes qui faisaient la trame de la vie … balades dans la nature, ski, navigation, jardinage deviennent impossibles 3) celui de ne pas vouloir vivre dans des conditions que l’on estime indignes.. par exemple en devant porter des couches ou se faire laver (cf. Livre et film “la dernière leçon ” ) 4) la simple fatigue de vivre……
Ces considérations m’ont amené à réexaminer la loi et la pratique du suicide assisté en Suisse.
La loi suisse s’en tient à l’article 115 du code pénal qui date des années 1930. Il est extrêmement libéral et ne pose que deux conditions pour l’accès à un suicide assisté : 1. La personne doit être capable de discernement. 2. Les instances qui proposent une aide au suicide ne doivent pas en tirer de profit financier.
Malgré diverses tentatives, provenant notamment des milieux médicaux, de restreindre ce droit aux personnes en fin de vie souffrant de pathologies lourdes, ces dispositions restent en place.
Pour conclure, il me semble qu’un projet de loi UL devrait tenir compte au maximum de l’exemple suisse.
La procédure proposée par les verts allemands m’apparaît très contraignante et aussi trop dilatée dans le temps
Le cas de la législation Suisse peut nous sembler le plus “libéral” .
Cependant, au niveau des pratiques effectives, variables suivant les cantons, il existe des limitations qui sont dues au fait que c’est un médecin qui doit prescrire le pentobarbital de sodium et que la pratique des décisions médicales restrictives ne se limite pas simplement à la certification de la capacité de discernement, mais se heurte dans la pratique à la réticence de nombreux médecins à participer à une décision de suicide assisté, qui ne leur semble pas faire partie de leur tâche “médicale”.
Mais surtout cette question de la capacité de discernement devient un objet particulièrement propre à créer des litiges juridiques
Le cas du procès intenté au Dr Erika Preisig est significatif : il concernait le cas d’une personne morte par suicide assisté, mais dont l’état dépressif abolissant la capacité de discernement n’aurait pas été suffisamment sérieusement examiné par Erika Preisig.
En particulier qu’elle aurait préjugé de sa propre compétence de médecin, en ne suivant pas le protocole légal prévu de consultation de psychiatres …
N’est-ce pas créer à nouveau les conditions d’une particulière frilosité des médecins, d’être encore une fois sous l’ épée de Damoclès d’une condamnation juridique possible ?
Evidemment, on voit très bien comment les adversaires de la liberté du choix de mourir, peuvent essayer de continuer à faire peser de telles menaces juridiques, en pesant sur la rigueur des protocoles légaux et réglementaires à suivre.
Le problème n’est pas simple, et devra bien sûr faire l’objet d’une particulière attention pour notre travail de “projet de proposition de loi”