Texte proposé par un de nos adhérents, membre du C.A.
Fin de vie et Liberté
1. Concernant les animaux
=> l’orque dans la Seine.
J’ai lu dernièrement qu’un orque était à la dérive dans la Seine. Il était condamné à mourir.
Pour lui il était impossible de continuer à errer dans le fleuve bien longtemps.
Il a été décidé de l’euthanasier. En définitif il est mort avant qu’il puisse être libéré.
=> le chien de ma voisine.
Il était âgé. Il n’entendait plus. Il perdait la vue.
La semaine dernière : le silence, pas d’aboiements quand je suis passé à pied devant le jardin de ma voisine.
Celle-ci m’expliqua alors qu’elle avait fait euthanasier son chien.
Le vétérinaire l’avait endormi et mis fin à ses jours.
Il avait abrégé la souffrance physique de l’animal, et certainement la souffrance psychologique de ma voisine.
Elle ne supportait plus l’état de santé de son chien, sans aucun espoir de mieux-être.
=> le cheval de l’éleveur en Brière.
J’ai connu en Loire Atlantique Tony, un éleveur de chevaux, en Brière.
Un jour, alors que j’étais à ses côtés lors d’un déplacement des chevaux, Tony m’expliqua qu’il avait fait venir le vétérinaire pour euthanasier Apache, son cheval chéri.
Il avait pris la décision car l’étalon était malade et il ne pouvait accepter la souffrance de la bête.
Il avait apprécié le savoir faire du vétérinaire.
2. Concernant la fin de vie des êtres humains en France
=> la fin de vie de mes parents.
Mon père. En 1969, un AVC paralyse mon père. Il a 78 ans. Suite à cet accident cérébral, Il est resté 4 ans immobile, sans parler, sans communiquer, gémissant de temps en temps. Mon père un modèle que j’admirais et qui m’inspirait, gisait devant moi, éteint, silencieux, immobile, agonisant, d’une fragilité extrême, alimenté par sonde, sous perfusion, entouré de poches. Mon père ne voulait pas cette fin de vie.
Un jour en 1974 le téléphone a sonné. Mon père n’existait plus ! Ce fut un soulagement, une libération mais aussi une grande tristesse, un grand vide, une grande absence.
Ma mère. Alors qu’elle vieillissait, elle était heureuse d’être avec les siens. Elle aimait marcher. Elle partait seule dans la campagne, mais se perdait en route. Elle ne savait plus ou elle était. Je partais à sa rencontre. Je la ramenais. Nous étions ensemble, fou et folle, riant sous la pluie.
Un jour, sans son consentement, ma mère fut déposée dans une maison de retraite.
Je lui rendais visite. Cependant à chaque fois c’était terrible. Elle semblait ne pas me reconnaître. Elle me suppliait de la libérer. Elle avait préparer sa valise. Ses larmes exprimaient une grande souffrance.
Elle insistait : « pourquoi Dieu ne vient pas la chercher ? Pourquoi ce calvaire ?
j’avais l’impression de la trahir, de la rejeter, de l’humilier.
Je restais à lui tenir la main alors que déambulaient des êtres abandonnés comme elle. Je ressentais en moi un profond malaise. J’avais honte d’être présent, d’être témoin de ce naufrage et de ne rien pouvoir faire pour elle.
Celle qui m’avait donné la vie est morte un matin, un an après son entrée en maison de retraite. Ce fut un soulagement, une libération, mais aussi une grande tristesse, un grand vide, une grande absence.
Mon frère, Bertrand. Il a aujourd’hui 86 ans. Un AVC le maintient depuis 2 ans dans une position physique délicate. Il se tient immobile, silencieux, fragile, les yeux dans le vide, gémissant quand les aides-soignantes le bougent. Sa femme, lui donne ses repas à la petite cuillère comme un bébé. Son épouse est chrétienne et pour elle c’est à Dieu à mettre fin à la vie de mon frère. Mon frère veut-il cette fin de vie ?
Je pourrai continuer à évoquer la mort de 2 autres de mes frères, de ma première compagne, de ma fille, d’amis, …… Cependant, je n’ai aucun exemple de mort douce, sans souffrances.
=> aujourd’hui en France la fin de vie prévue par nos députés
Aujourd’hui, la loi dit que ce sont aux médecins de décider de notre fin de vie. En fonction de notre santé, ils prolongent notre vie, même si nous souffrons physiquement et psychologiquement. Si nous avons écrit nos volontés anticipées et si nous sommes condamnés alors ils peuvent arrêter de nous alimenter. Mais ils n’ont pas le droit de mettre fin à notre existence si nous le demandons. Les médecins ne sont pas responsables. Ce sont les députés qui écrivent les lois. Le député de la Rochelle-Ile de Ré, Olivier Falorni a essayé de convaincre ses homologues de l’assemblée nationale le 8 avril 2021, sans succès.
=> aujourd’hui en France nous pouvons nous suicider
Aujourd’hui, sans espoir de retrouver une santé suffisante pour continuer à vivre une existence humaine selon nos critères personnels, sans espoir d’une aide médicale, dans la souffrance physique et psychologique, des personnes se pendent, se défenestrent, se tirent une balle dans la tête, se jette sous le train, ….. etc. C’est le choix d’une mort violente pour soi-même et pour notre famille. En prime, attention pour les proches ! Ils peuvent être inquiétés pour non assistance à personne en danger.
=> aujourd’hui la fin de vie dans d’autres pays
Aujourd’hui, si votre état de santé est sans espoir, si vous n’avez pas envie de continuer à vivre, si vous désirez partir en douceur, vous pouvez partir en Suisse dans une clinique pour être assisté dans votre suicide avec une aide médicale.
Ou bien vous pouvez partir en Belgique. L’euthanasie y est légale.
Ce service n’est pas gratuit. Au contraire, il n’est pas à la portée de toutes les bourses.
=> Demain l’espoir d’avoir des nouveaux députés et une nouvelle loi
Aujourd’hui, alors que beaucoup de mes proches ont disparu : je désire vous dire comment j’espère disparaître à mon tour, le jour ou je n’aurai plus envie de vivre :
J’ai écrit librement, conscient et lucide, mes dernières volontés : ce que je veux et ce que je ne veux pas concernant la fin de ma vie. Ce document est connu de mes proches ainsi que d’une personne de confiance. Celle-ci est une personne extérieure à ma famille, une amie qui défendra le jour venu mes volontés, mes idées, ma liberté.
Lorsque mon état de santé sera en déclin, dégradé, aggravé, lorsque je serai si fatigué par la souffrance, lorsque je ne vivrai plus une vie qui soit pour moi une vie, je demanderai l’aide de mon médecin pour partir en douceur. Je demanderai l’euthanasie.
=> Demain l’euthanasie possible et reconnue.
Au nom de notre liberté, nous pourrons demander que notre départ nous appartienne, à nous seul, à personne d’autres. Libre à chacun de refuser ou d’accepter le naufrage annoncé, les souffrances prévisibles, la tragédie attendue. Notre médecin généraliste interviendra pour nous libérer, à notre demande ou à la demande formulée par notre personne de confiance déclarée.
Nous respecterons le choix de chacun. Nous sommes libres aussi de finir nos jours dans une maison de retraite ou chez nous, à notre domicile, seul ou accompagné, à la charge de nos enfants si notre état de santé n’est pas bon.
J’aimerai partir seul, tranquillement, en douceur, en paix, heureux d’avoir vécu cette existence bien remplie, ce voyage si riche, ce passage si mouvementé de notre naissance à notre mort, cette aventure pavée d’échecs et de réussites, ces rencontres humaines si passionnées, ce privilège d’avoir surgi du néant, d’avoir existé !
Alors que je vis aujourd’hui, avec des projets, des idées, des rencontres, des désirs, des rêves, des passions, des amours. Alors qu’aujourd’hui je suis dans l’action, dans le mouvement, dans la parole, dans l’écoute, dans l’association, dans la réunion, dans le temple, je pense à ma fin, à mon engagement dans cette ultime liberté. Ce qui m’importe aujourd’hui, c’est de décider moi-même librement de ma mort ! C’est de pouvoir compter sur l’aide de mon médecin généraliste ; C’est de réaliser le départ avec un professionnel, prévu par une nouvelle loi.
La nouvelle loi ( attendue par une majorité des Français ) encadrera l’exercice de cette liberté et garantira l’existence juridique de cette liberté. En effet il y a lieu de vérifier que notre liberté ne limite pas la liberté des autres citoyens.
Il faudra vérifier la capacité du demandeur.
=> Demain peut-être un suicide en douceur possible.
En effet aujourd’hui si j’avais à ma portée le produit qui permet de s’endormir en douceur ou si j’avais l’ordonnance pour obtenir ce produit chez le pharmacien, sans être inquiété par la justice, je vivrai plus tranquillement, plus confiant, et donc j’apprécierai mieux les jours qui me restent.
J’imagine un organisme style CPAM à qui j’écrirai en précisant ma santé, en fournissant des attestations et à qui je demanderai l’autorisation de recevoir l’ordonnance.
À moi seul de l’utiliser.
Le 10 juillet 2022
Bruno de Beaurepaire
11 avenue de la Chagrinerie
17300 Rochefort