Association pour la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie volontaire

Jugement du 26 février 2020 de la Cour constitutionnelle allemande

  1. Remarques de la traductrice Sylviane GEIST , adhérente UL de Strasbourg

Traduction personnelle et non professionnelle de la version abrégée officielle du ” Jugement de la Cour Fédérale de Karlsruhe du 26.2.2020 »

( par Sylviane GEIST, adhérente UL de Strasbourg )

  1. REMARQUES DE LA TRADUCTRICE :

Remarques :
Je ne suis pas juriste et ce texte n’est pas non plus un texte littéraire.
Sa fonction est de permettre de suivre raisonnements et argumentations.
Mes notes et remarques sont en bleu en italique et écrites en plus petit.
En cas d’hésitation j’ai inscrit une autre proposition de traduction d’un mot « / … »
Le texte original et intégral du Jugement se trouve sur le site du Bundesverfassungsgericht :
https://www.bundesverfassungsgericht.de/e/rs20200226_2bvr234715.html
Le texte du communiqué de presse du 26 février 2020 se trouve également sur ce site sous Pressemitteilung Nr. 12/2020 vom 26. Februar 2020
Ci-dessous trois articles de loi auxquels il est fait référence au cours du Jugement, extraits de la
traduction officielle de la Constitution dans sa version mise à jour en novembre 2012 disponible sur le
site :
https://www.bundestag.de/resource/blob/189762/loi fondamentale
La Constitution s’appelle « Grundgesetz »/ GG, soit Loi Fondamentale/ LF dans la traduction
• Art. 2 Par. 1 « Chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité pourvu qu’il ne viole
pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel ou la moi morale. »
• Art. 1 Par. 1 « La dignité de l’être humain est intangible. Tous les pouvoirs publics ont
l’obligation de la respecter et de la protéger. »
• Art. 103 Par. 2 « Un acte n’est punissable d’une peine que s’il était punissable selon la loi en
vigueur avant qu’il ait été commis. »
Je n’ai pas trouvé de traduction officielle de l’art. 217 du Code Pénal allemand, voici ma version :
(1) Quiconque promeut le suicide assisté ou aide quelqu’un de manière « geschäftsmässig »
professionnelle/ organisée/ répétée à y avoir recours est passible d’une peine d’emprisonnement jusqu’à
3 ans ou d’une amende.
(2) Ne sera pas puni le participant qui n’agit pas de manière « geschäftsmässig » professionnelle
/organisée/répétée qui est un membre de la famille du tiers nommé en (1) ou un proche de celui-ci.
• « mise en danger abstraite » :
« acte réputé dangereux et, partant, punissable en raison de sa nature même et du dessein de l’auteur »
applicable aux personnes physiques et aux personnes morales (Wikipedia)
voir aussi Marc Puech « De la mise en danger d’autrui » Recueil Dalloz 1994
et sur juripole.fr « Le délit de risques causés à autrui »
Je n’ai pas transcrit le discours indirect d’usage qui rapporte les propos des intervenants.
Pour plus de clarté j’ai indiqué en gras le nom de la personne dont les propos sont rapportés.
S.G. mars avril 2020

Le texte complet en allemand est accessible sur le site de la Cour constitutionnelle :
https://www.bundesverfassungsgericht.de/SharedDocs/Entscheidungen/DE/2020/02/rs20200226_2bvr234715.html

 L’INTERDICTION DE L’ASSISTANCE PROFESSIONNELLE AU SUICIDE EST ANTICONSTITUTIONNELLE 

Communiqué de presse n° 12/ 2020 du 26 février 2020

Le droit de la personnalité (article 2 al. 1 en relation avec l’article 1 al. 1 de la Constitution) inclut un droit à une mort auto-déterminée.
Ce droit inclut la liberté de s’ôter la vie et, pour ce faire, d’avoir recours à l’aide volontaire de tiers.
La décision individuelle, prise en application de ce droit, de mettre un terme à sa propre existence selon sa propre conception de la qualité de vie et du sens de sa vie, doit être respectée dans son principe par l’État et par la société en tant que / au titre d’acte d’auto-détermination autonome.
Sur ce fondement, le Deuxième Sénat a décidé aujourd’hui que l’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide formulée dans l’article 217 du Code Pénal est contraire à la Constitution et nulle parce qu’elle annule/ vide/ détruit de fait dans une grande mesure les possibilités d’un suicide assisté.
De ceci il ne s’ensuit pas qu’il est interdit au législateur de réguler l’aide au suicide sur un plan constitutionnel.
Mais celui-ci doit s’assurer/ et veiller à ce que le droit individuel de mettre un terme à sa vie de manière auto-déterminée puisse s’exercer dans un espace suffisant pour sa mise en œuvre et sa réalisation.

Situation :

L’article 217 du Code Pénal (interdiction de l’assistance professionnelle au suicide) menace de poursuite quiconque offre, permet ou rend possible de manière répétée la réalisation du suicide d’une personne.

Contre cet article s’élèvent parmi d’autres

– des associations qui proposent l’aide au suicide et dont le siège est en Allemagne et en Suisse

– des personnes gravement malades qui voudraient mettre un terme à leur vie à l’aide de telles associations

– des médecins exerçant tant dans le cadre libéral qu’hospitalier

– ainsi que des avocats actifs dans le domaine du conseil en rapport avec le suicide.

Considérations importantes du Sénat :

I. L’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide porte atteinte au droit de la personnalité inscrit dans la Constitution (article 1 al. 2 en relation avec l’article 1 al. 1 de la Constitution) des personnes décidées à se suicider dans son expression/ sa manifestation qui est le droit à une mort auto-déterminée.
Ceci s’applique également / est également valable lorsque la réglementation, dans son interprétation étroite, stipule seulement l’intention de répétition de l’aide au suicide en tant qu’acte ayant pour but de mettre un terme volontaire à sa propre vie.

1. Le droit général de la personnalité inclut comme une expression de l’autonomie personnelle un droit à une mort auto-déterminée. Ce droit inclut la liberté de s’ôter la vie et, pour ce faire, de chercher l’aide de tiers et, dans la mesure où celle-ci est proposée, de la solliciter et d’y avoir recours.

a) Le droit général de la personnalité accorde et assure le droit de prendre de manière auto-déterminée la décision de mettre un terme à sa propre vie de son propre chef, consciemment et de manière volontaire.

aa) Le respect et la protection de la dignité humaine et de la liberté sont des principes fondamentaux de l’ordre constitutionnel, lequel considère l’être humain comme une personne capable d’auto-détermination et de responsabilité personnelle.
Partant de la conception que l’être humain se détermine / se définit lui-même et s’épanouit librement, la garantie de la dignité inclut tout particulièrement la préservation de l’individualité, de l’identité et de l’intégrité personnelles.
La dignité fondamentale de l’être humain en tant que personne consiste par conséquent dans sa reconnaissance permanente en tant que comme personnalité responsable d’elle-même.
Cette référence à l’auto-détermination autonome s’incarne dans les garanties plus précises du droit général de la personnalité.
Celui-ci assure les conditions fondamentales pour que chaque individu puisse trouver, développer et préserver de manière autonome son identité et son individualité.

La préservation auto-déterminée de sa propre personnalité implique que l’être humain puisse disposer de lui-même selon ses propres valeurs/ critères et ne soit pas contraint à des formes de vie qui soient en contradiction insoluble avec sa propre conception de lui-même et ses propres valeurs.

La décision de s’ôter la vie est d’une importance/ signification existentielle pour la personnalité d’un être humain.

Le sens que chaque individu voit dans sa vie, le fait qu’il envisage de s’ôter la vie et les raisons pour lesquelles il envisage de s’ôter la vie, font partie de ses conceptions et de ses convictions les plus éminemment personnelles.
La décision de se suicider concerne des questions fondamentales de l’existence humaine et touche comme aucune autre décision l’identité et l’individualité de l’être humain.
Le droit de mourir de manière auto-déterminée n’inclut donc pas seulement le droit de refuser librement des mesures destinées à maintenir la vie.
Ce droit s’étend aussi à la décision individuelle de mettre un terme à sa vie de son propre chef.

bb) Le droit de mourir de manière auto-déterminée n’est pas restreint/ réservé à des situations déterminées de l’extérieur, comme par exemple des situations médicales difficiles ou incurables ou des phases de la vie ou de l’évolution de maladies.
Ce droit existe à toute phase de l’existence humaine.

Une restriction du domaine d’application de ce droit à des causes et à des motivations déterminées équivaudrait à une évaluation, à un jugement de valeur au sujet des motivations de la personne décidée à se suicider et ainsi à une prédétermination du contenu, prédétermination qui est étrangère à l’esprit de liberté de la Constitution.

La décision individuelle de mettre un terme à sa propre existence, conformément à sa propre conception de la qualité de vie et du sens de sa vie, se soustrait à un jugement de valeur par le moyen d’échelles de valeurs générales, de préceptes religieux, de modèles sociétaux concernant la relation à la vie et à la mort ou à des considérations de rationalité objective.

Une telle décision – de se suicider- ne requiert aucune explication ou justification supplémentaire, elle est , dans son principe/ par définition/ a priori , à respecter par l’État et par la société comme acte d’auto-détermination autonome.


cc) Le droit de se tuer soi-même ne peut être nié / refusé avec pour argument que le suicidaire s’ôte sa dignité parce qu’il renonce par là-même, en s’ôtant la vie, à la condition de son auto-détermination.

Le fait de disposer de manière auto-déterminée de sa propre vie est bien plus l’expression directe de la conception selon laquelle l’épanouissement autonome de la personnalité est partie intégrante de la dignité humaine : la libre disposition de soi-même est donc l’expression-même de la dignité, même si c’en est la dernière/ l’ultime expression.


b) Le droit de se tuer soi-même inclut aussi la liberté, pour y parvenir, de chercher l’aide de tiers et, dans la mesure où celle-ci est proposée, de la solliciter et d’y avoir recours. La Constitution assure l’épanouissement de la personnalité en interaction avec des tiers, lesquels agissent pour leur part librement.

Dans la mesure où l’exercice d’un droit fondamental dépend de l’intervention d’un tiers et dans la mesure où le libre épanouissement de la personnalité dépend de la contribution active d’un tiers, la législation veille aussi à ce qu’aucune interdiction envers les tiers ne restreigne le droit de ceux-ci de proposer, dans le cadre de leur propre liberté, leur soutien.

2. L’article 217 du Code Pénal empiète sur le droit général de la personnalité des personnes désirant mourir, même si celles-ci ne sont pas les personnes visées directement par la disposition édictée.
Y compris des mesures arrêtées par un État qui ont une conséquence indirecte ou de fait peuvent porter atteinte à des droits fondamentaux lorsque leur objectif et leur effet équivalent à une ingérence normative et directe, ces mesures doivent alors être justifiées constitutionnellement de manière suffisante et satisfaisante.

L’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide que représente l’article 217 al.1 implique objectivement une restriction de la liberté de suicide.
Cet article rend de fait pratiquement impossible l’obtention d’aide au suicide.

Cette restriction de la liberté individuelle fait partie de l’objectif conscient et voulu de cette interdiction et constitue aussi une ingérence envers les personnes dont la volonté est de se suicider.
Eu égard à la signification existentielle que représente, pour l’identité, l’individualité et l’intégrité personnelles, l’auto-détermination concernant sa propre vie, cette ingérence pèse particulièrement lourd.

3. Cette ingérence n’est pas justifiée. L’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide est à mesurer à l’aune de la stricte proportionnalité.
Une loi qui restreint les droits fondamentaux n’est justifiée que lorsque celle-ci est appropriée et nécessaire pour atteindre des buts légitimes et que les restrictions qui en découlent ont un rapport proportionné avec ces buts.

a) Le législateur poursuit par son interdiction de l’assistance professionnelle au suicide un but légitime.

aa) La réglementation sert à protéger l’auto-détermination individuelle quant à sa vie et donc à protéger ainsi sa vie en tant que telle.


Par ces objectifs de protection de l’autonomie et de la vie, l’interdiction prononcée par l’article 217 du Code Pénal sert à mettre en œuvre le devoir de protection qui revient à l’État, tel que le définit la Constitution, il poursuit donc un but légitime.

L’article 1 al.1 phrase 2 ainsi que l’article 2 al 1 phrase 1 de la Constitution obligent l’État à protéger l’autonomie individuelle en ce qui concerne la décision individuelle de mettre un terme à sa vie et donc par là-même à protéger la vie en tant que telle.

Afin de mettre en œuvre ce devoir de protection, le législateur n’est pas seulement en droit d’agir afin d’écarter des dangers concrets menaçant l’autonomie personnelle qui pourraient venir / être le fait de tiers.
Il poursuit aussi un but légitime dans la mesure où il veut empêcher que le suicide assisté ne s’impose dans la société comme manière normale de terminer sa vie.
Il a le droit d’intervenir afin d’éviter une évolution qui favoriserait l’émergence de pressions sociales qui aboutiraient à s’ôter la vie dans certaines conditions, par exemple en raison de considérations d’utilité.

bb) La supposition implicite du législateur qu’une offre d’assistance professionnelle au suicide recèle un risque pour l’autodétermination repose sur des fondements non contestables constitutionnellement.

(1) Il n’existe pas de conclusions établies scientifiquement sur les conséquences à long terme de l’autorisation de l’assistance professionnelle au suicide. Dans ces conditions, il suffit que le législateur se soit basé sur une évaluation adaptée et défendable des informations dont il dispose ainsi que sur ses possibilités de pondération.

(2) Le pronostic de dangerosité avancé par le législateur résiste donc à un examen constitutionnel.

Suite aux résultats de nos audiences, le point de vue du législateur, à savoir que la réglementation en vigueur jusqu’ici au sujet de la pratique de l’assistance au suicide en Allemagne n’était pas en mesure de sauvegarder dans tous les cas la liberté de volonté et d’autodétermination, s’est avéré défendable.

La vérification du fait qu’une demande de suicide est bien basée sur une volonté libre était effectuée bien souvent à partir de points de vue d’une plausibilité difficilement compréhensible. Les associations d’aide au suicide, en particulier, fournissaient une aide au suicide en cas d’affections corporelles ou psychiques sans avoir toujours connaissance du dossier médical de la personne désirant mourir et sans s’assurer toujours qu’un examen, un entretien et d’explications avec un médecin spécialiste.

Est par conséquent plausible l’hypothèse du législateur selon laquelle, en cas de recours à des assistants au suicide agissant à titre professionnel, les actes mis le plus en avant étaient ceux qui concouraient à l’exécution du suicide : dans cette mesure, la volonté libre et la recherche d’une décision libre et éclairée n’étaient pas suffisamment assurées.

On peut également comprendre la crainte du législateur que l’assistance professionnelle au suicide mène à une éventuelle « normalisation sociale » de l’aide au suicide et que le suicide assisté s’instaure comme la manière normale de terminer sa vie, tout particulièrement pour les personnes âgées et malades, banalisation propice à l’exercice de pressions sociales mettant en danger leur autonomie.

On peut noter, dans les pays qui ont adopté une réglementation libérale du suicide assisté et de l’accompagnement à la mort, une croissance constante du nombre de suicides et de morts à la demande. Cette croissance n’est pas en soi la preuve d’une normalisation, d’une banalisation sociale ou d’une pression sociale mettant en danger l’autonomie.
Cette croissance peut aussi s’expliquer par une acceptance accrue, dans la société, de l’aide à la mort et au suicide, par le renforcement du droit à l’autodétermination ou par une conscience accrue que la mort n’a plus besoin d’être supportée comme un destin sur lequel on n’a pas d’influence.
Pour autant le législateur a vraisemblablement pris en compte le fait qu’une offre non régulée d’assistance professionnelle au suicide impliquait des risques pour l’auto-détermination.
Étant donné les pressions financières croissantes des systèmes de soins et des systèmes de santé, ce risque est d’autant plus réel que des défaillances dans le système médical et dans l’organisation des soins peuvent susciter des peurs et favoriser des décisions de suicide.

La situation souvent à l’origine d’une demande de suicide concourt à cette appréciation du législateur. Des enquêtes en Allemagne et à l’étranger montrent qu’un motif récurrent de demande de suicide assisté est le souhait de ne pas être à la charge des proches ou de tiers.

b) La réglementation qu’établit l’article 217 du Code Pénal constitue aussi fondamentalement un outil adapté à la protection de biens juridiques parce que l’interdiction de modes opératoires potentiellement dangereux peut a minima favoriser la protection de biens juridiques.

c) La question de la nécessité d’une réglementation destinée à répondre au souci de protection du législateur peut rester ouverte. Par contre et en tout cas, la restriction du droit à une mort autodéterminée, telle qu’elle découle de cette disposition est non proportionnée et non appropriée.

aa) Une restriction de la liberté n’est appropriée que lorsque le taux de charge/ l’inconvénient auquel est soumis l’individu se situe encore dans un rapport raisonnable/ proportionné avec les avantages qui en découlent pour la communauté humaine/ sociale (l’intérêt général).
Dans ce cas, les intérêts du bien commun doivent être d’autant plus significatifs que chaque individu est entravé de manière sensible dans sa liberté.
D’un autre côté, la protection de la communauté est d’autant plus pressante que sont importants les inconvénients et les dangers qui peuvent découler de l’exercice entièrement libre des droits fondamentaux.

Lorsque sont en jeu de lourdes ingérences dans les droits fondamentaux, la décision du législateur exige une densité particulièrement élevée de contrôle.
La signification existentielle que revêt l’autodétermination, tout particulièrement pour la sauvegarde de l’individualité, de l’identité et de l’intégrité personnelles en ce qui concerne sa propre vie, impose au législateur des contraintes strictes/ étroites lors de l’élaboration normative d’un projet de protection en relation avec l’aide au suicide.

bb) Par l’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide, le législateur a outrepassé ces contraintes.


1) Le rang élevé accordé par la Constitution aux biens juridiques que constituent l’autonomie et la vie, et que veut protéger l’art. 217 du Code Pénal, peut certes en principe légitimer l’intervention du Code Pénal.

Dans son devoir en tant qu’État, de créer, d’assurer et de mettre en œuvre un vivre ensemble réglé/ ordonné, en protégeant des valeurs élémentaires / de base de la vie en commun, le Droit Pénal a une fonction incontournable.
Dans des cas particuliers, le devoir de protection de l’État peut, en particulier, commander d’élaborer/ de consigner, des réglementations juridiques de telle sorte que le risque-même d’atteinte à des droits fondamentaux soit réduit.

Mais l’intervention légitime du Droit Pénal afin de protéger la décision autonome individuelle en ce qui concerne le choix de mettre un terme à sa vie trouve sa limite là où la libre décision n’est plus protégée mais rendue impossible.

La non-punissabilité du suicide et de l’aide à cette fin, en tant qu’expression de la reconnaissance de l’autodétermination individuelle telle que l’exige la Constitution, n’est pas à la libre disposition du législateur.

La conception/ la vision de l’être humain qui inspire l’ordre constitutionnel est celle d’un être que définissent sa dignité et le libre épanouissement de sa personnalité par son auto-détermination et sa propre responsabilité.

C’est cette conception de l’être humain qui doit sous-tendre/ qui doit être l’axe de tout acte et de tout projet régulateur.

L’obligation de protection qu’a l’État en faveur de l’auto-détermination et de la vie ne peut par conséquent avoir priorité sur le droit de liberté de l’individu que lorsque celui-ci est soumis à des influences qui mettent en danger son auto-détermination sur sa propre vie.

Face à ces influences, l’ordre juridique a le droit d’intervenir par la prévention et par des instruments/ des moyens de sécurisation.

Au delà, la décision de l’individu de mettre un terme à sa vie, en accord / en vertu/ en fonction de sa conception du sens de sa propre existence, est par contre à reconnaître comme un acte d’auto-détermination autonome.

La reconnaissance du droit à une mort auto-déterminée n’exempte donc pas pour autant le législateur de pratiquer une prévention générale du suicide et d’agir contre le vœu de suicide motivé en particulier par la maladie, en développant et en renforçant l’offre médicale de soins palliatifs.
Le législateur doit aussi agir contre les risques pour l’autonomie et pour la vie qui découlent de conditions concrètes de vie présentes ou imminentes et qui peuvent peser sur la décision d’une personne pour le suicide et contre la vie.

Mais le législateur n’a pas le droit de se soustraire à cette obligation socio-politique en supprimant le droit à l’auto-détermination, droit protégé constitutionnellement.
La liberté de chacun de refuser des mesures dont l’objectif est le maintien en vie ainsi que sa liberté de mettre en pratique sa décision – née de sa propre conception du sens de son existence – de mettre un terme à sa vie avec l’aide de tiers doivent être préservées.

Une protection de la vie dirigée contre l’autonomie est en contradiction avec la conception d’une communauté humaine dans laquelle la dignité de la personne humaine est au centre de son ensemble de valeurs et qui s’engage par là-même au respect et à la protection de la personnalité humaine libre comme valeur suprême dans sa Constitution.

L’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide porte atteinte à cet espace de développement de l’auto-détermination autonome qu’il s’agit impérativement de préserver constitutionnellement.

Cette interdiction a pour conséquence, en combinaison avec la situation juridique établie antérieurement, à ce que, en pratique, de fait, le droit au suicide soit dans une large mesure vidé de sa substance.

La réglementation de l’article 217 ne porte certes que sur une forme spécifique de l’aide au suicide, à savoir l’assistance professionnelle au suicide. Reste que la perte d’autonomie qui s’ensuit s’en trouve disproportionnée tant que les alternatives effectives n’offrent qu’une perspective théorique mais non réelle d’auto-détermination.

(a) L’effet anti-autonomie de l’article 217 est renforcé par le fait que dans bien des situations, l’individu n’a d’autre possibilité fiable réelle pour mettre en œuvre sa décision de suicide que d’avoir recours à des offres d’associations d’assistance professionnelle au suicide.

La tolérance envers une aide au suicide ponctuelle unique telle que le stipule l’article 217 ne permet pas une auto-détermination suffisante et appropriée en fin de vie telle que l’impose la Constitution.

La supposition tacite/ sous-entendue du législateur qu’existeraient en dehors du cadre de l’offre de l’assistance professionnelle au suicide des possibilités de suicide assisté, ne prend pas en compte la globalité de la législation.
Dans la mesure où le législateur exclut certaines formes d’exercice de la liberté en se référant par exemple à des alternatives existantes, les options d’action restantes disponibles doivent être appropriées.
Ceci doit être particulièrement valable en ce qui concerne le suicide.
En cela, la certitude personnelle de pouvoir effectivement agir selon ses propres conceptions est essentielle.

L’absence d’interdiction totale de l’aide au suicide ne répond pas à cette exigence, ne suffit pas.

Sans les offres d’associations d’assistance professionnelle au suicide, l’individu est tributaire de manière crucial et déterminante de l’accord personnel d’un médecin pour participer à son suicide en l’assistant, ne serait-ce que par la prescription des produits nécessaires.

Le réalisme nous impose de considérer ce cas de figure comme une exception. Les médecins ont manifesté jusqu’à ce jour une volonté modérée de pratiquer l’aide au suicide et ne peuvent d’ailleurs y être contraints/ tenus ; du droit à une mort auto-déterminée ne découle aucun droit envers des tiers à la pratique d’une aide au suicide.
De plus le droit professionnel médical fixe des limites supplémentaires à la pratique de l’aide au suicide.
Les interdictions d’aide au suicide signifiées par l’ordre des médecins de la plupart des Länder ont pour conséquence, non seulement subordonner la réalisation pratique de l’autodétermination de l’individu à des contingences géographiques, mais de conditionner la pratique en général.

Néanmoins, l’accès aux possibilités de suicide assisté ne doit pas dépendre de l’accord de médecins de se conformer au droit écrit, les médecins pouvant faire librement usage de leur clause de conscience.
Tant que cette situation perdure, celle-ci crée la nécessité de l’offre d’associations d’assistance professionnelle au suicide.


(b) L’amélioration de la prise en charge médicale en soins palliatifs n’est pas non plus de nature à compenser une restriction disproportionnée de l’autodétermination individuelle.

Une telle amélioration peut éliminer des déficits et permettre de réduire le nombre de vœux de suicide de personnes en stade terminal d’une maladie ou atteintes d’une maladie fatale.
Mais une telle amélioration n’est pas un correctif propre à justifier la restriction de la décision de suicide prise en libre auto-détermination.

Il n’existe pas d’obligation d’acceptation de traitement médical palliatif.

La décision de mettre un terme à sa propre vie inclut la décision, le droit de se prononcer contre des alternatives existantes et est à accepter dans cette mesure comme acte d’auto-détermination autonome.

( c ) La communauté nationale (L’État) n’a pas non plus le droit d’arguer que l’individu peut avoir recours à des offres d’assistance professionnelle au suicide à l’étranger. L’État doit assurer la protection nécessaire des droits fondamentaux conformément à l’art. 1 de la Constitution à l’intérieur de son propre cadre juridique.

( 3 ) Finalement, certains aspects, certaines modalités de protection de tiers ne sont pas susceptibles de justifier la restriction de l’auto-détermination individuelle telle qu’elle découle de l’article 217.
L’individu subit certes les limites posées à ses libertés fondamentales telles que les fixe le législateur afin de maintenir et de favoriser le vivre ensemble social dans le cadre de situations acceptables et raisonnables.

Mais l’objectif de la protection de tiers ainsi que l’évitement d’un effet d’imitation ne justifient pas que l’individu doive accepter que son droit au suicide soit de fait vidé de sa réalité.

4. Cette appréciation est conforme à la Convention Européenne des Droits de l’Homme et aux considérations de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.




II. De plus l’article 217 porte atteinte aux droits fondamentaux de personnes et des associations qui voudraient pratiquer l’aide au suicide. L’interdiction de l’assistance professionnelle au suicide est donc contraire au droit constitutionnel objectif et par conséquent aussi nulle en ce qu’elle concerne les personnes visées.

La protection constitutionnelle des activités visées par l’article 217 découle de l’imbrication fonctionnelle des droits fondamentaux des personnes et des associations qui pratiquent l’aide au suicide, en particulier l’art. 2…et du droit à mourir par décision auto-déterminée.
La décision de se suicider dépend dans sa mise en œuvre non seulement du fait que des tiers soient volontaires pour assurer cette possibilité à la procurer ou à la permettre.
Les tiers doivent avoir le droit établi juridiquement de mettre en œuvre leur disposition, leur désir/ leur souhait de pratiquer cette aide au suicide.
La garantie du droit au suicide a donc pour corollaire la large protection juridique correspondante de l’activité des assistants au suicide.

En menaçant d’emprisonnement, l’interdiction que contient l’article 217 porte atteinte aux assistants au suicide qui sont, en tant que personnes physiques, les personnes directement visées, celles-ci étant de plus atteintes dans leurs libres droits tels qu’ils sont inscrits dans les articles 2 al. 2 phrase 2 en relation avec l’article 1(00) al.1 de la Constitution. La peine d’amende prévue afin de sanctionner l’assistance professionnelle * au suicide porte atteinte aux droits fondamentaux (article 2 al. 1 de la Constitution) des associations allemandes d’accompagnement à la mort.

* NdT : l’expression allemande nomme l’assistance répétée au suicide, qu’elle relève d’une personne physique ou d’une personne morale.

III. Étant donné les atteintes à la Constitution que nous avons constatées, l’article 217 est déclaré nul. Une interprétation restrictive conforme à la Constitution n’est pas possible car une telle interprétation serait contraire aux intentions du législateur.

Il ne suit pas de cet arrêté que le législateur n’a pas le droit de réglementer l’aide au suicide. Une telle réglementation doit toutefois avoir pour axe la conception de l’être humain comme d’un être doué d’esprit moral et destiné à s’auto-déterminer et à s’épanouir librement.
En ce qui concerne l’aide organisée au suicide, le législateur a à sa disposition une large palette de possibilités pour protéger l’auto-détermination quant à la propre vie de chacun.

Elles vont de mécanismes de sécurité en ce qui concerne les procédures, par exemple par l’obligation d’un travail de conseil et de délais pré-établis par la loi, en passant par des réserves possibles quant à l’autorisation afin de vérifier la fiabilité d’offres d’aide au suicide jusqu’à l’interdiction de formes de suicide qui présenteraient des risques particuliers.
Ces possibilités peuvent être inscrites dans le Code Pénal ou être en tout cas cadrées par des sanctions pénales.

Mais le droit au suicide interdit que l’accord pour une aide au suicide soit subordonné à des critères d’ordre matériel, que l’aide soit par exemple rendue dépendante d’une maladie incurable.
Diverses exigences ayant pour but de vérifier le sérieux et la pérennité de la volonté de suicide peuvent néanmoins être posées.
Il faut toutefois laisser, dans la pratique, suffisamment d’espace de développement, d’expression et de mise en œuvre au droit de chaque individu de quitter la vie sur la base d’une décision libre et avec le soutien de tiers.

Ceci implique non seulement un aménagement conséquent du droit professionnel des médecins et des pharmaciens, mais possiblement aussi des ajustements portant sur le droit des anesthésiants.
Ceci n’exclut pas de maintenir des éléments de la protection du consommateur et (contre) l’abus ancrés dans le domaine du droit des médicaments et des anesthésiants et de les intégrer dans un projet de protection de l’aide au suicide.

Tout ceci laisse intact le fait que l’aide au suicide ne peut relever d’une obligation.

( Traduction mars 2020 Sylvie Geist )

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Commentaire sur “Jugement du 26 février 2020 de la Cour constitutionnelle allemande”