Association pour la légalisation du suicide assisté et de l'euthanasie volontaire

Lettre ouverte aux 156 députés

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Lettre ouverte aux 156 députés « issus d’horizons divers »qui avaient cosigné la tribune de Jean-Louis Touraine du 28 février 2018 dans le Monde, Euthanasie : « Il ­convient de donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps »

Mesdames et messieurs nos représentants à l’Assemblée Nationale,

Vous avez signé cette tribune en février 2018.
Vous proposiez alors de « légiférer au cours de l’année 2018 ».
L’année 2019 se termine et vous n’avez toujours pas « légiféré » !

Récemment des centaines de personnes ont été perquisitionnées parce qu’elles avaient importé un produit létal interdit en France.
Elles l’ont fait parce qu’elles n’avaient pas la garantie légale que leur volonté de maîtriser leur vie jusqu’à la mort soit respectée.
Elles se sont senties pour cette raison, moralement légitimes à devancer une législation existante obsolète qui ne correspond plus à la grande majorité de l’opinion des Français ( 89% à l’ époque, mais 96 % aujourd’hui )

Pourtant vous disiez :

« Il n’est plus raisonnable d’attendre davantage, d’observer sans réagir les souffrances physiques et psychiques de nombre de ces Français, de compter les affaires judiciaires qui se multiplient mais n’aboutissent à rien, car on ne peut pas condamner la compassion et la solidarité. »

Pourquoi ce retard?

Faut-il, comme pour l’accès au droit à l’avortement, un « procès de Bobigny » de la liberté de la mort volontaire, pour remuer l’inertie politique ?

L’analogie de la situation actuelle concernant la liberté de choisir sa mort, avec celle des années 70 concernant de droit à la maîtrise de la procréation et à l’IVG, a souvent été faite, et ce sont aujourd’hui les femmes signataires de la Tribune de Libération du 31 octobre 2019 « Choisir sa vie, choisir sa mort, des femmes persistent et signent » qui reprennent le même flambeau qui les avait menées à exiger la légalisation du droit à l’avortement.

Car c’est bien de la même liberté fondamentale qu’il s’agit, celle de disposer de sa personne, de son corps et de sa vie, et de ne plus accepter que d’autres, au nom de leurs propres idéologies, lobbies ou pouvoirs corporatistes, puissent continuer à imposer leur « légalité » à l’ensemble des citoyens.

Mais depuis plus d’une année maintenant, depuis votre Tribune du 28 fevrier 2018, la société évolue, et ce n’est plus maintenant les 89 % des Français, du sondage IFOP et La Croix de l’époque qui demandent une loi, mais les 96 % du dernier sondage IPSOS de mars 2019.

Aujourd’hui, 36 % des Français demandent à « avoir la possibilité de disposer d’un droit à l’euthanasie quelles que soient leurs conditions de santé ».

La nouvelle proposition de loi que vous vous apprêtez sans doute à déposer doit tenir compte de ces évolutions et entériner l’idée que chaque personne peut disposer de son corps et de sa vie.

En Belgique ( ou aux Pays-Bas, etc.) la loi en cours est désormais dépassée par une nouvelle demande qui monte, celle de l’ « euthanasie pour vie accomplie ».

Il existe, en France, depuis la Révolution Française, une situation juridique particulière :
Le suicide est « dépénalisé », mais les conditions ne sont pas données pour qu’il se réalise librement et paisiblement.

Croyez- vous qu’il est encore raisonnable de déposer un projet de proposition de loi qui ne traite que de l’extrême fin de vie médicalisée, et qui ne prenne pas en compte cette volonté de plus en plus généralisée de nos concitoyens de disposer véritablement « de leur personne, de leur corps et de leur vie» ?

L’association Ultime Liberté est prête à soutenir les initiatives législatives prises dans le sens d’une reconnaissance simultanée :

– d’une part de la légalisation de l’euthanasie ou « aide médicale à mourir » pour les personnes en fin de vie ou atteintes de pathologies graves et incurables. ( En gros le projet de loi “Touraine” que vous aviez soutenu )

– et d’autre part de la possibilité légale, égale pour tous les citoyens, de pouvoir décider de se suicider paisiblement grâce à l’accès personnel légalement protégé à une seule dose létale, dont ils doivent pouvoir disposer pour leur propre mort.

Il s’agit bien évidemment, dans un tel nouveau cadre juridique, de reconnaître explicitement le droit fondamental pour une personne capable de discernement et libre de toute pression extérieure, de mettre fin à sa vie volontairement, à partir du moment où elle a pris un certain nombre de précautions informant la société, ou ses « proches » de cette décision lorsque cette décision peut avoir des conséquences sur la vie des autres. Étant entendu que cet entourage ne peut alors exercer aucune pression en retour pour l’en empêcher.

Nous comprenons bien, qu’étant donné l’irréversibilité fondamentale de l’exécution d’une telle décision, la société politique et l’entourage social cherchent à s’assurer de la réelle volonté de la personne concernée et veuillent protéger les personnes vulnérables contre la manipulation de cette volonté personnelle par des intérêts extérieurs.

Mais il existe d’ores et déjà des situations où une décision personnelle peut apparaître à certains observateurs extérieurs comme « contraire à l’intérêt de cette personne ».
Ainsi en est-il de la possibilité de refuser des traitements médicaux pourtant jugés auparavant comme « indispensables » en termes purement médicaux. L’évolution juridique en matière d’ « obstination déraisonnable » est allée dans le même sens.

Il s’agit désormais de faire en effet un grand pas de plus dans cette même direction de l’ « autonomie personnelle » du citoyen majeur et capable, en considérant enfin que c’est la responsabilité de la personne elle-même, si elle demande à exercer une telle responsabilité de décider si elle veut continuer à vivre ou non. Prétendre la contraindre à rester en vie devient désormais l’équivalent d’une « obstination déraisonnable » de la part de la société ou de ceux qui s’y autorisent ou même croient en avoir l’obligation.

Mais ne croyez plus, Mesdames et Messieurs nos députés, que les 60 % et les 36 % des Français qui souhaitent d’une façon ou d’une autre enfin se voir reconnaître juridiquement le droit de décider de leur propre vie et de leur propre mort, vont accepter sans réagir, d’être considérés comme d’éternels mineurs et même d’être poursuivis en justice parce que, vous, nos représentants, n’avez pas su ou voulu à temps modifier le cadre juridique existant.

Une pétition déposée sur Change.org le 26 octobre dernier a déjà recueilli en un mois plus de 9000 signatures.

L’association Ultime Liberté reste à votre disposition pour toute information complémentaire concernant ses propositions.

Lettre ouverte signée,
 

pour le Conseil d’ Administration de l’association Ultime Liberté,

Chaumont, le 1er décembre 2019, la présidente Claude HURY